Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

En encourageant l’humanitaire et le bénévolat étudiant, les écoles de commerce flirtent avec le « social washing »

Tous les vendredis après-midi, Edouard de Mascarel, 20 ans, toque à la porte de plusieurs résidentes de l’Ehpad de Jouy-en-Josas (Yvelines), voisin de son campus étudiant. Il passe alors quelques heures à échanger avec ces personnes âgées, à les faire parler de leur vie ou à faire la lecture à une passionnée de poésie. En somme, à être une présence : « Je me suis rendu compte que leur quotidien est fait de beaucoup d’attente », dit le jeune homme, nouvel élève de HEC. « Cela donne du sens à ma journée, raconte Edouard. C’est remettre aussi des relations humaines dans un cursus où l’on a des cours d’économie et de marketing destinés à briguer de hauts postes en entreprise. »
Que ce soit en Ehpad, dans une ressourcerie, dans des potagers collectifs ou auprès de réfugiés, s’investir dans une initiative sociale est désormais un passage obligé pour les élèves de la grande école de commerce. L’annonce a été faite par la direction de HEC à la rentrée 2023, dans le cadre d’une refonte du cursus : durant sa scolarité, chaque étudiant devra effectuer au minimum trente heures de mission d’intérêt général auprès de divers organismes éducatifs, philanthropiques, sociaux, humanitaires ou écologiques, identifiés par l’administration de l’école.
« Les élèves sortent de l’univers individuel et très compétitif de la prépa. L’objectif est de les faire passer à un niveau plus collectif, d’entamer un questionnement et de provoquer une rencontre avec des populations différentes d’eux, explique Julie Thinès, directrice exécutive académique de HEC. Ces étudiants sont très motivés par des ambitions financières – tout à fait respectables par ailleurs. Mais nous voulions les initier à des engagements qui donnent aussi lieu à d’autres types de gratifications. »
Une vraie tendance se dégage dans l’univers des écoles de commerce, qui, tout comme à HEC, encouragent de plus en plus leurs étudiants à se lancer dans du bénévolat, des projets caritatifs ou humanitaires. Pour travailler leur image, ces écoles communiquent abondamment, ces dernières années, sur leurs initiatives « à impact positif » ou leurs actions « for good » (« pour le bien »). Une nouvelle terminologie qui ne s’arrête pas là : le doyen chargé des formations initiales de HEC, Yann Algan, parle désormais d’une « articulation “tête-corps-cœur” » dans le cursus, reprenant un vocabulaire très usité aussi dans les milieux écologistes engagés.
A l’Essca de Strasbourg, qui insiste, sur son site Internet, sur sa tradition « humaniste », c’est la période même d’intégration étudiante, moment phare de l’expérience en école de commerce, qui a été réinventée depuis trois ans, pour devenir une « semaine engagée ». Manière de trancher avec les « week-ends d’inté » traditionnels, beaucoup critiqués ces dernières années pour leurs dérives. Les entrants dans cette école postbac se voient désormais remettre, lors de leur toute première semaine, des plans et des outils pour construire, ensemble, des aménagements extérieurs afin d’améliorer la vie d’utilisateurs de structures sociales.
Il vous reste 70% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish